Séance 5 - Texte 5 - Baudelaire
Lun 1 Juin - 19:59
Texte 5 – Charles Baudelaire, « A une Passante », Les Fleurs du Mal, 1861.
Charles Baudelaire (1821-1867) est un poète romantique qui souffrait du « spleen », forme de mélancolie, et qui a publié de son vivant Les Fleurs du Mal, un recueil de poèmes qui évoquent la mort, la souffrance sur Terre, son envie d'un monde idéal, le dégoût du mal, la souffrance amoureuse...
→ Lisez le poème suivant et cherchez le vocabulaire difficile indiqué en vert (dictionnaire, Internet...).
A une passante
La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d'une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l'ourlet ;
Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son oeil, ciel livide où germe l'ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.
Un éclair... puis la nuit ! - Fugitive beauté
Dont le regard m'a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l'éternité ?
Ailleurs, bien loin d'ici ! trop tard ! jamais peut-être !
Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais !
→ Répondez aux questions suivantes faisant des citations si possible :
1) A qui le poète dédie-t-il ce poème ? (dédier = consacrer, vouer, offrir en hommage à quelqu'un)
2) Dans quel état d'esprit se trouve le poète avant l'apparition de la femme ? Et après ?
3) Montrez que cette femme est très belle. Faites pour cela un paragraphe avec des arguments, des exemples et des connecteurs logiques (tout d'abord, ensuite, enfin, finalement, de plus, en outre, ainsi, donc...).
4) De quoi le poète se plaint-il sur la fin ?
5) Observez le texte : comment voyons-nous que le poète se plaint ?
- Correction (cliquez ici):
Correction des questions sur le texte de Baudelaire
1) Le poète dédie ce poète « A une passante », comme l'indique le titre. Il a vu une femme passer devant lui, alors qu'il buvait sans doute à la terrasse d'un café et en est tombé amoureux. Il ne connaît ni son nom, ni quoi que ce soit la concernant.
2) Avant l'apparition de la femme, le poète a l'air de se trouver dans un environnement agressif et bruyant, comme l'indique le premier vers : « La rue assourdissante autour de moi hurlait. » Il personnifie la rue, puisqu'elle possède ici une voix, sans doute afin de la rendre plus angoissante et pour nous transmettre sa souffrance. Il semble seul au milieu d'une foule qui se presse, fermé et agacé.
Lorsque la femme passe près de lui, il est comme fasciné par elle et il oublie la rue. Il la décrit et nous explique qu'il est « crispé comme un extravagant » (v.6), ce qui nous prouve qu'il est sous le coup d'une émotion forte. Par la suite, il écrit même qu'elle l'a « fait soudainement renaître » (v.10), comme si sa présence l'avait sorti de sa torpeur et de son premier état d'esprit. Il est soudainement très éveillé et attentif.
3) Cette fameuse passante est décrite comme une véritable beauté.
En effet, elle est « Longue » et « mince » (v.2), « Agile et noble » (v.3), sa main est « fastueuse » (v.3) et « sa jambe » est comparée à celle d'une « statue » (v.5), ce qui la renvoie aux marbres antiques, proche de la perfection, représentant souvent des divinités ou des personnalités de l'aristocratie. C'est donc une figure très noble et physiquement très bien faite.
De plus, elle passe en « Soulevant, balançant le feston et l'ourlet » (v.4), ce qui sous-entend que ses vêtements sont très légers et fluides et qu'ils donnent un aperçu sensuel de ses jambes. C'est donc bien une femme coquette et charmante.
Le poète ajoute également qu'elle est « en grand deuil » et il qualifie sa douleur de « majestueuse » (v.2), ce qui rend cette femme presque tragique et royale. On ne sait pas de quoi elle souffre, mais sa souffrance l'embelli.
C'est en outre une femme qui semble pleine de « douceur » (v.8 ) mais aussi capable d'être d'une grande colère, impétueuse comme un « ouragan » (v.7). Son « oeil » et son « regard » semblent en dire long sur sa personnalité et la placer dans le rang des femmes fatales, capables du meilleur comme du pire, désirable, qui « fascine » et dont le « plaisir » « tue » (v.8 ).
Enfin, le poète la désigne par l'expression « Fugitive beauté » (v.9), ce qui confirme qu'elle lui plaît beaucoup mais qu'elle lui a échappée.
4) Sur la fin du poème, Baudelaire se plaint de la disparition de sa passante. Par définition, une passante est une femme « qui passe », qui ne fait que traverser votre champ de vision avant de disparaître, sans s'arrêter.
Le poète semble très ému de ne pas avoir pu discuter avec elle et de l'avoir seulement vue entrer dans sa vie et en ressortir aussitôt. Pour lui, c'était « Un éclair » qui a illuminé sa nuit et qui l'a abandonné dans le noir. C'est une « fugitive », une femme qui s'est échappée, alors qu'elle lui était nécessaire.
Le poète semble désespéré par l'impossibilité de la retrouver. Sa question « Ne te verrai-je plus que dans l'éternité ? » signifie qu'il ne pense pas pouvoir la retrouver à part dans la mort, ce qui est particulièrement pessimiste.
Le vers suivant « Ailleurs, bien loin d'ici ! trop tard ! jamais peut-être ! », place en gradation son désarrois grâce aux adverbes « loin », « trop tard » et « jamais » qui forment un genre de trinité fataliste.
Enfin, l'avant-dernier ver, « Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais », donne les raisons pour lesquelles il pense que leurs retrouvailles sont sans doute impossibles. Il ignore tout d'elle et elle-même ignore tout de lui. Ils n'ont pas eu le temps d'établir le contact et dans l'immensité du monde il est peu probable qu'ils se retrouvent un jour. Il a loupé l'occasion de lui parler.
Peut-être que ce poème visait à la contacter ? Il lui rend hommage, certes, mais n'est-ce pas également un moyen de se manifester ? Cela aurait pu être le cas s'il avait eu plus d'éléments pour la décrire, mais malheureusement cette femme restera un mystère pour tous.
5) Nous voyons que le poète se plaint sur la fin puisqu'il utilise l'interrogative mais aussi l'exclamative à cinq reprises, signe qu'il s'affole et éprouve de nombreuses émotions. De plus, il emploie le « Ô », interjection lyrique, deux fois dans le dernier vers, qui montre qu'il s'adresse directement à la femme aimée et qui est une marque très reconnaissable des plaintes poétiques et théâtrales.
Conclusion du texte 5 – Baudelaire
Dans son poème « A une passante », Baudelaire rend hommage à une inconnue qui a croisé sa vie par hasard et dont la beauté l'a particulièrement interpellé. Il en fait une femme époustouflante, délicieuse et dangereuse, qui traverse son champ de vision comme un éclair avant de disparaître dans la foule. C'est une figure presque parfaite, qui lui a donné un regain d'énergie avant de le plonger dans une forme de désespoir infini.
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