C) Le chevalier au combat (les duels et les tournois)
Dans les romans de chevalerie, que fait le chevalier lorsqu'il ne fait pas la guerre ?
Il se rend sur les routes pour défendre les miséreux ou vaincre des mauvais chevaliers en les provoquant en duel et il s'entraîne dans les tournois (compétition entre chevaliers).
Nous verrons dans cette partie deux textes de Chrétien de Troyes qui mettent en scène des duels (Yvain face à Esclados / Lancelot face à Méléagant) et un texte moderne qui met en scène un tournois (Pelleniel face à Kalior).
Texte 1 - Le duel: Yvain face à Esclados le Roux.
→ Lire le texte et chercher le vocabulaire difficile.
Dans les romans de chevalerie, que fait le chevalier lorsqu'il ne fait pas la guerre ?
Il se rend sur les routes pour défendre les miséreux ou vaincre des mauvais chevaliers en les provoquant en duel et il s'entraîne dans les tournois (compétition entre chevaliers).
Nous verrons dans cette partie deux textes de Chrétien de Troyes qui mettent en scène des duels (Yvain face à Esclados / Lancelot face à Méléagant) et un texte moderne qui met en scène un tournois (Pelleniel face à Kalior).
Texte 1 - Le duel: Yvain face à Esclados le Roux.
→ Lire le texte et chercher le vocabulaire difficile.
Yvain face à Esclados le Roux
Yvain cherche à venger son cousin Calogrenant, battu par un chevalier inconnu près d'une fontaine magique. Cette fontaine déclenche des tempêtes. Le chevalier fait exprès de déclencher une nouvelle tempête pour attirer le chevalier ennemi. Le temps passe. La tempête se calme. Yvain se repose donc en profitant du doux chant des oiseaux. Mais soudain, arrive un chevalier « plus brûlant de colère qu'une braise » et le combat commence.
Aussitôt qu'ils se furent mutuellement aperçus, les chevaliers se précipitèrent l'un sur l'autre et montrèrent par leurs actes qu'ils se haïssaient mortellement tous les deux. Chacun a une lance dure et forte et ils se donnent de si grands coups qu'ils transpercent tous deux leurs écus suspendus à leurs cous, que leurs hauberts se déchirent, que leurs lances se fendent et volent en éclats et que les tronçons sautent en l'air. Ils s'attaquent à l'épée, et, à force de frapper, ils finissent par couper les courroies des écus et par déchiqueter entièrement ces derniers, et par-dessus et par dessous, si bien que les lambeaux en pendent et qu'ils ne peuvent ni s'en couvrir ni s'en protéger. En effet, ils en ont si bien fait de la dentelle, que c'est en toute liberté que, sur les flancs, sur les bras et sur les hanches, ils se frappent de leurs épées étincelantes. Férocement, ils s'affrontent, sans jamais bouger de la même position, pas plus que s'ils étaient deux rochers de grès. Jamais encore deux chevaliers n'avaient été aussi acharnés à hâter leur mort.
Ils n'ont aucune envie de gaspiller leurs coups, car ils les assènent du mieux qu'ils peuvent: les heaumes se cabossent, et fléchissent et les mailles des hauberts volent, si bien qu'ils ôtent pas mal de sang. Les hauberts sont si échauffés par leurs propres corps, qu'ils ne leur sont guère plus utile qu'un froc. En plein visage, ils se frappent d'estoc, et c'est merveille qu'une bataille aussi féroce et aussi dure se prolonge tant. Mais tous deux ont un si grand courage, qu'à aucun prix l'un n'abandonnerait à l'autre un seul pied de terrain, s'il ne le blessait à mort. Sur un point précis, ils se comportèrent en hommes parfaitement respectueux des règles: pas un instant, à aucun endroit, ils ne frappèrent ni ne blessèrent leurs chevaux: ce n'était ni leur intention ni leur façon de faire; mais continuellement, ils se tinrent à cheval, sans mettre pied à terre une seule fois: ainsi la bataille en fut-elle plus belle.
A la fin, monseigneur Yvain fendit en quatre le heaume du chevalier. Sous l'effet du choc, l'autre fut secoué comme par un coup de tonnerre et vidé de sa force: il se trouva paralysé. Jamais il n'avait essuyé un coup aussi terrible: notre héros lui avait fendu la tête jusqu'au cerveau. L'autre en ressentit une si grande douleur qu'il faillit en mourir. S'il s'enfuit, il ne se mit pas dans son tort, car il se sentait blessé à mort; il ne lui servait à rien de se défendre. Se ressaisissant, il s'enfuit aussitôt vers son château.
Aussitôt qu'ils se furent mutuellement aperçus, les chevaliers se précipitèrent l'un sur l'autre et montrèrent par leurs actes qu'ils se haïssaient mortellement tous les deux. Chacun a une lance dure et forte et ils se donnent de si grands coups qu'ils transpercent tous deux leurs écus suspendus à leurs cous, que leurs hauberts se déchirent, que leurs lances se fendent et volent en éclats et que les tronçons sautent en l'air. Ils s'attaquent à l'épée, et, à force de frapper, ils finissent par couper les courroies des écus et par déchiqueter entièrement ces derniers, et par-dessus et par dessous, si bien que les lambeaux en pendent et qu'ils ne peuvent ni s'en couvrir ni s'en protéger. En effet, ils en ont si bien fait de la dentelle, que c'est en toute liberté que, sur les flancs, sur les bras et sur les hanches, ils se frappent de leurs épées étincelantes. Férocement, ils s'affrontent, sans jamais bouger de la même position, pas plus que s'ils étaient deux rochers de grès. Jamais encore deux chevaliers n'avaient été aussi acharnés à hâter leur mort.
Ils n'ont aucune envie de gaspiller leurs coups, car ils les assènent du mieux qu'ils peuvent: les heaumes se cabossent, et fléchissent et les mailles des hauberts volent, si bien qu'ils ôtent pas mal de sang. Les hauberts sont si échauffés par leurs propres corps, qu'ils ne leur sont guère plus utile qu'un froc. En plein visage, ils se frappent d'estoc, et c'est merveille qu'une bataille aussi féroce et aussi dure se prolonge tant. Mais tous deux ont un si grand courage, qu'à aucun prix l'un n'abandonnerait à l'autre un seul pied de terrain, s'il ne le blessait à mort. Sur un point précis, ils se comportèrent en hommes parfaitement respectueux des règles: pas un instant, à aucun endroit, ils ne frappèrent ni ne blessèrent leurs chevaux: ce n'était ni leur intention ni leur façon de faire; mais continuellement, ils se tinrent à cheval, sans mettre pied à terre une seule fois: ainsi la bataille en fut-elle plus belle.
A la fin, monseigneur Yvain fendit en quatre le heaume du chevalier. Sous l'effet du choc, l'autre fut secoué comme par un coup de tonnerre et vidé de sa force: il se trouva paralysé. Jamais il n'avait essuyé un coup aussi terrible: notre héros lui avait fendu la tête jusqu'au cerveau. L'autre en ressentit une si grande douleur qu'il faillit en mourir. S'il s'enfuit, il ne se mit pas dans son tort, car il se sentait blessé à mort; il ne lui servait à rien de se défendre. Se ressaisissant, il s'enfuit aussitôt vers son château.
Chrétien de Troyes, Yvain, le chevalier au lion, traduction de C.A. Chevalier
→ Répondre aux questions suivantes avec des citations si possible.
Des combattants exceptionnels
1) Montrez que dans ce duel s'affrontent bien deux chevaliers en relevant le champ lexical de l'équipement et de l'armement des chevaliers (équipement offensif et défensif).
2) Quel sentiment ces deux hommes éprouvent-ils l'un envers l'autre ?
3) Relevez une expression qui prouve que ces deux chevaliers s'équivalent en courage.
4) Comment est désigné Yvain dans le dernier paragraphe ? Relevez deux groupes nominaux qui permettent de le désigner comme un homme d'exception.
Un duel d'une grande violence
1) Relevez 5 verbes, 1 adverbe, 4 noms, 3 adjectifs ou participes passés appartenant au champ lexical de la violence.
2) Plusieurs procédés littéraires permettent de traduire cette violence et/ou la rapidité du combat. A vous de les illustrer par des exemples tirés du texte en relevant :
- une comparaison tirée du dernier paragraphe
- deux hyperboles (= exagérations)
- une énumération (= le fait de faire une liste de mots séparés par des virgules)
3) Qui finit par dominer le combat ?
Un combat qui suit des règles
1) Malgré leur violence, les combattants suivent des règles précises. Quelles sont ces règles ?
2) Comment un duel de chevalier doit-il donc se dérouler ? Trouvez deux étapes dans ce texte.
- Correction (cliquez ici):
Correction
Des combattants exceptionnels
1) Dans ce duel s'affrontent bien deux chevaliers puisque nous trouvons dans le premier paragraphe le champ lexical de l'équipement et de l'armement des chevaliers :
- équipement offensif : « lance » (l.2 / 4), « épée » (l.5), « épées » (l.9)
- équipement défensif : « écus » (l.3), « hauberts » (l.4 /13 / 14), « heaumes » (l.13), « heaume » (l.22)
2) Ces deux hommes « se haïssaient mortellement tous les deux » (l.2). Yvain est en colère à cause de la honte de son cousin et Esclados est furieux que l'on vienne détruire ses terres en jouant avec sa fontaine magique.
3) Ces deux chevaliers s'équivalent en courage puisqu'il est écrit « tous deux ont un si grand courage, qu'à aucun prix l'un n'abandonnerait à l'autre un seul pied de terrain, s'il ne le blessait à mort » (l.16-17). Ils sont donc tous les deux aussi tenaces.
4) Dans le dernier paragraphe Yvain est désigné comme un homme d'exception : c'est un seigneur, puisqu'il est appelé « monseigneur Yvain » (l.22) et un « héros » (l.24).
Un duel d'une grande violence
1) Le champ lexical de la violence est très présent dans ce texte. Nous pouvons relever par exemples :
- les verbes « se précipitèrent », « transpercent », « déchirent », « fendent », « couper », « déchiqueter », « assènent », « cabossent », « fléchissent », « volent », « ôtent », « frappent », « fendit », « mourir »
- les adverbes « entièrement » et « Férocement »
- les noms « coups », « mort », « sang », « bataille », « mort », « douleur »
- les adjectifs et participes passés « féroce », « paralysé », « échauffés » « fendu », « blessé »
2) Procédés littéraires permettent de traduire cette violence et/ou la rapidité du combat :
- une comparaison tirée du dernier paragraphe : « l'autre fut secoué comme par un coup de tonnerre »
- deux hyperboles : « ils s'affrontent, sans jamais bouger de la même position, pas plus que s'ils étaient deux rochers de grès » / « Les hauberts sont si échauffés par leurs propres corps, qu'ils ne leur sont guère plus utile qu'un froc. » / « Yvain fendit en quatre le heaume du chevalier » / « Jamais il n'avait essuyé un coup aussi terrible: notre héros lui avait fendu la tête jusqu'au cerveau. »
- une énumération : « Chacun a une lance dure et forte et ils se donnent de si grands coups qu'ils transpercent tous deux leurs écus suspendus à leurs cous, que leurs hauberts se déchirent, que leurs lances se fendent et volent en éclats et que les tronçons sautent en l'air. »
3) C'est Yvain qui finit par dominer le combat puisqu'il fend la tête de son ennemi « jusqu'au cerveau » (l.24).
Un combat qui suit des règles
1) Malgré leur violence, les combattants suivent des règles précises. En effet, il est indiqué dans le texte : « Sur un point précis, ils se comportèrent en hommes parfaitement respectueux des règles: pas un instant, à aucun endroit, ils ne frappèrent ni ne blessèrent leurs chevaux ». Ainsi, ils respectent les chevaux.
2) Un duel de chevalier doit se dérouler selon des étapes bien précises :
- duel à la lance, à cheval
- duel à l'épée, à cheval
Conclusion : Dans les duels, les règles sont strictes. Chrétien les rappelle dans son roman. Ses chevaliers respectent ces règles, ce qui en fait des hommes soucieux des lois, dignes, loyaux et honnêtes.
Leçon sur les duels
En tournoi ou sur un chemin, lorsque deux chevaliers s'affrontent en combat singulier (un contre un), certaines règles d'honneur sont à respecter comme :
- ne jamais blesser les chevaux (animal précieux au Moyen Âge)
- ne pas attaquer un chevalier mis à terre en restant à cheval
- ne pas se battre contre un homme désarmé
- ne pas tuer un adversaire qui implore sa pitié ou qui est inconscient
On trouve deux étapes dans ces combats :
- le combat à cheval à l'aide des lances
- le combat à l'épée (sur les chevaux ou à terre, toujours sur un pied d'égalité / plutôt à terre pour éviter de blesser les chevaux)
- C) Le chevalier au combat - Texte 2 - Le duel de Lancelot face à Méléagant
- C) Le chevalier au combat - Texte 3 - Pelleniel face à Kalior + Conclusion partie C
- C) Le chevalier au combat - Leçon sur le registre épique (placée entre les textes 2 et 3)
- B) Lancelot, l'exemple du chevalier idéal - Texte 1
- B) Lancelot, l'exemple du chevalier idéal - Texte 2 + Conclusion
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