B) Lancelot, l'exemple du chevalier idéal - Texte 2 + Conclusion
Mar 7 Avr - 10:34
Toujours dans la partie B, voici le deuxième texte à étudier.
Texte 2 - Lancelot et le pont de l'Epée : un exploit extraordinaire
→ Lire le texte et répondez aux questions avec des citations su possible.
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Lancelot et le pont de l'Epée
Une demoiselle explique à Lancelot et à Gauvain que la reine Guenièvre a été enlevée par le félon Mélagant. Elle leur dit qu'il l'a emmenée au royaume de son père Baudemagu, le royaume de Gorre. Les deux chevaliers veulent toujours secourir la reine et se renseignent sur la route à prendre.
Deux chemins s'offrent à eux : celui du pont Sous l'Eau, qui est « d’une seule poutre » très mince et où « il coule autant d’eau dessus qu’il en coule dessous » gardé par un chevalier, et celui du pont de l'Epée « fait d’une planche d’acier, aussi tranchante qu’une épée ». Gauvain prend la direction du pont Sous l'Eau, Lancelot, accompagné d'un valet, celle du pont de l'Epée.
Quand il aperçut le pont tranchant, le valet se mit à pleurer de pitié. Lancelot regarda l’épée fourbie, blanche et coupante comme un rasoir sur laquelle il fallait passer ; puis l’eau en amont et en aval, qui était roide, froide et noire. Mais ensuite, levant la tête, il considéra quelque temps la tour où était la reine, et dit :
- N’ayez point souci de moi, bel ami, car je ne redoute guère ce passage ; il n’est pas si périlleux que je pensais. Et voilà une belle tour en face. Si l’on veut m’y héberger, on m’y aura pour hôte cette nuit.
Il fit enduire de bonne poix chaude ses gants, ses chausses de fer et les pans de son haubert, afin d’avoir meilleure prise sur l’acier. Puis il vint droit au pont, regarda encore la tour où la reine était en prison, la salua de la tête, plaça son écu derrière son dos pour n’en être pas empêché et, s’étant signé au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, il se mit à cheval sur le pont acéré et commença de ramper au-dessus du tranchant de l’épée à la force des bras et des genoux ; et vous auriez vu le sang jaillir de ses mains, de ses pieds et de ses jambes ; mais il avançait, les yeux fixés sur la tour, sans regarder la lame coupante ni l’eau bruissante et félonne, songeant qu’à celui qu’amour mène, souffrir lui est doux. Enfin il parvint à l’autre bord et s’y assit pour se reposer un moment, après avoir tiré son épée et ramené son écu devant lui.
Tous les habitants de la tour s’étaient mis aux fenêtres pour voir le champion qui traversait le pont périlleux, et comme eux la reine Guenièvre et le roi Baudemagu. Dans le moment que le chevalier parvint à la rive, elle songea que ce ne pouvait être que Lancelot et aussitôt, elle qui avait été jusque-là très dolente, elle se mit à rire, à plaisanter, à faire beau visage, si bien que le roi Baudemagu en fut surpris.
- Dame, lui dit-il, si vous permettiez, je vous poserais une question qui ne saurait vous désobliger. Savez-vous quel est ce chevalier, là-bas ? Est-ce Lancelot ? Le croyez-vous ?
- Sire, il y a plus d’un an que je n’ai point vu Lancelot, et beaucoup de gens pensent qu’il est mort. À cause de cela, je ne suis pas certaine que ce soit lui, mais je pense que c’est lui plutôt qu’un autre, et je le voudrais, car je me fierais à son bras plus volontiers qu’à celui de personne : vous savez qu’il est bon chevalier ! Et quel que soit celui-là, pour Dieu et pour votre honneur, protégez-le comme c’est votre devoir.
- Dame, je le ferai, dit le roi.
Chrétien de Troyes, Lancelot ou le chevalier à la charrette, chapitre X.
Questions sur le texte
1) Trouver la définition des mots en gras dans le texte : fourbie, roide, périlleux, poix, chausses et dolente.
2) a) Combien d'adjectifs sont rattachés à « l'épée » (l.1) et à « l'eau » (l.2) ?
b) Que remarquez-vous ?
c) Ces adjectifs sont-ils péjoratifs (négatifs) ou mélioratifs (positifs) ? Pourquoi ?
3) Dans cette version du texte, comment Lancelot procède-t-il pour passer le pont de l'Epée ?
4) Qu'est-ce qui pousse Lancelot à continuer malgré ses blessures ?
5) Que demande la reine au roi Baudemagu alors qu'ils regardent le chevalier traverser le pont ?
- Correction (cliquez ici):
Correction des questions
1) Définition des mots en gras dans le texte :
- fourbie = brillante
- roide = raide, tendue
- périlleux = dangereux
- poix = matière visqueuse souvent faite de végétaux
- chausses = vêtement masculin qui recouvrait les jambes
- dolente = malheureuse, plaintive
2) a) Il y a trois adjectifs rattachés à « l'épée » (l.1) qui sont « fourbie, blanche et coupante » (l.2) et trois adjectifs rattachés à « l'eau » (l.2) qui sont « roide, froide et noire » (l.2).
b) Nous pouvons remarquer que Chrétien de Troyes associe à ces deux mots autant d'adjectifs, ce qui rythme le texte.
c) Ces adjectifs sont tous péjoratifs. Cela sert à montrer que le pont de l'Epée est particulièrement dangereux. Cela accentue l'idée que Lancelot est très courageux.
3) Pour passer le pont de l'Epée, Lancelot est astucieux : il fait « enduire de bonne poix chaude ses gants, ses chausses de fer et les pans de son haubert, afin d’avoir meilleure prise sur l’acier » (l.8-9).
4) Ce qui pousse Lancelot à continuer malgré ses blessures est son amour pour la reine. En effet, il est écrit qu'il avançait « les yeux fixés sur la tour » où se trouve la reine « songeant qu’à celui qu’amour mène, souffrir lui est doux » (l.12-14).
5) La reine demande au roi Baudemagu de protéger le chevalier qui a accompli l'exploit de passer le pont de l'Epée. Il lui dit : « pour Dieu et pour votre honneur, protégez-le comme c’est votre devoir » (l.27-28).
Conclusion sur le texte 2 :
Chez Chrétien de Troyes, le chevalier réalise toujours des exploits extraordinaires. Il est meilleur que les autres hommes car il fait passer son devoir et la courtoisie avant toute autre chose. Il est courageux, sans être téméraire, et rien ne l'arrête dans sa quête. Lancelot n'hésite pas à sacrifier son honneur en montant dans une charrette destinée aux voleurs ni à se blesser en franchissant le pont de l'Epée.
Conclusion de la partie B sur « Lancelot, le chevalier idéal »
Finalement, Lancelot semble être la figure du chevalier idéal : il est aussi beau à l'extérieur qu'à l'intérieur, plein de qualités physiques et morales, et il est particulièrement courageux, combatif et astucieux. Il ne recule devant aucun obstacle pour sauver la reine Guenièvre des griffes de Méléagant. C'est un homme courtois et juste. Son cœur est profondément fidèle à son amour.
Cependant, il faut savoir que si Lancelot semble parfait dans le portrait qu'en fait l'auteur et dans les exploits qu'il réalise, son sentiment d'amour pour la reine le perd lorsqu'il s'agit du Saint Graal, la quête ultime des chevaliers de la Table Ronde.
En effet, puisque sa véritable motivation est l'amour de la reine (mariée à son suzerain Arthur), et non sa fidélité au roi de Bretagne ou à la sainte relique, Chrétien de Troyes considère qu'il n'est pas digne d'obtenir le Graal. Lancelot est donc parfait en tant qu'homme d'arme courtois, mais non en tant que vassal ou chrétien.
C'est Galaad, le fils de Lancelot et la fille du roi Pêcheur (chez qui se trouve le Graal), qui finira par mettre la main sur la précieuse coupe.
- B) Lancelot, l'exemple du chevalier idéal - Texte 1
- C) Le chevalier au combat - Texte 1 - Le duel d'Yvain face à Esclados
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