Séance 3 - Cosette chez les Thénardier

Séance 3 – Cosette chez les Thénardier

→ Lisez le texte suivant :

Fantine, jeune femme séduite puis abandonnée par un jeune bourgeois dont elle a eu une fille, Cosette, ne peut pas l’élever bien qu’elle travaille dur. Elle la confie alors à un couple d’aubergistes, les Thénardier. Elle espère ainsi trouver plus facilement du travail. Après avoir laissé de l’argent, Cosette et ses vêtements aux Thénardier, elle se promet de revenir très vite chercher son enfant. Fantine est persuadée que Cosette sera bien traitée puisque Mme Thénardier lui est apparue comme une mère aimante avec ses deux petites filles, à peu près du même âge que sa Cosette qui va sur ses trois ans.

La souris prise était bien chétive ; mais le chat se réjouit même d'une souris maigre. Qu'était-ce que les Thénardier ? Ces êtres appartenaient à cette classe bâtarde composée de gens grossiers parvenus et de gens intelligents déchus […].

C'étaient de ces natures naines qui, si quelque feu sombre les chauffe par hasard, deviennent facilement monstrueuses. Il y avait dans la femme le fond d'une brute et dans l'homme l'étoffe d'un gueux. [...] Il existe des âmes écrevisses reculant continuellement vers les ténèbres, rétrogradant dans la vie plutôt qu'elles n'y avancent, employant l'expérience à augmenter leur difformité, empirant sans cesse, et s'empreignant de plus en plus d'une noirceur croissante. Cet homme et cette femme étaient de ces âmes-là. […]

Grâce aux cinquante-sept francs de la voyageuse, Thénardier avait pu éviter un protêt et faire honneur à sa signature. Le mois suivant ils eurent encore besoin d’argent ; la femme porta à Paris et engagea au Mont-de-Piété le trousseau de Cosette pour une somme de soixante francs. Dès que cette somme fut dépensée, les Thénardier s'accoutumèrent à ne plus voir dans la petite fille qu'un enfant qu'ils avaient chez eux par charité, et la traitèrent en conséquence. Comme elle n'avait plus de trousseau, on l'habilla des vieilles jupes et des vieilles chemises des petites Thénardier, c'est-à-dire de haillons.

On la nourrit des restes de tout le monde, un peu mieux que le chien et un peu plus mal que le chat. Le chat et le chien étaient du reste ses commensaux habituels ; Cosette mangeait avec eux sous la table dans une écuelle de bois pareille à la leur. La mère qui s'était fixée, comme on le verra plus tard, à Montreuil-sur-mer, écrivait, ou, pour mieux dire, faisait écrire tous les mois afin d'avoir des nouvelles de son enfant. Les Thénardier répondaient invariablement : Cosette est à merveille. Les six premiers mois révolus, la mère envoya sept francs pour le septième mois, et continua assez exactement ses envois de mois en mois. L'année n'était pas finie que le Thénardier dit : – Une belle grâce qu'elle nous fait là ! Que veut-elle que nous fassions avec ses sept francs ?
Et il écrivit pour exiger douze francs. La mère, à laquelle ils persuadaient que son enfant était heureuse "et venait bien", se soumit et envoya les douze francs. Tant que Cosette fut toute petite, elle fut le souffre-douleur des deux autres enfants ; dès qu'elle se mit à se développer un peu, c'est-à-dire avant même qu'elle eût cinq ans, elle devint la servante de la maison. […]

On fit faire à Cosette les commissions, balayer les chambres, la cour, la rue, laver la vaisselle, porter même des fardeaux. Les Thénardier se crurent d’autant plus autorisés que la mère qui était toujours à Montreuil-sur-mer commença à mal payer. […] Si cette mère fût revenue à Montefermeil au bout de ces trois années, elle n’eût point reconnu son enfant. Cosette, si jolie et si fraîche à son arrivée dans cette maison, était maintenant maigre et blême. Elle avait je ne sais quelle allure inquiète. […] L’injustice l’avait faite hargneuse et la misère l’avait rendue laide. Il ne lui restait que ses beaux yeux qui faisaient peine, parce que, grands comme ils étaient, il semblait qu’on y vît une plus grande tristesse.

C’était une chose navrante de voir, l’hiver, ce pauvre enfant qui n’avait pas encore six ans, grelottant sous de vieilles loques de toile trouées, balayer la rue avant le jour avec un énorme balai dans ses petites mains rouges et une larme dans ses grands yeux. Dans le pays on l’appelait l’Alouette. […] Seulement la pauvre Alouette ne chantait jamais.

Victor Hugo, Les Misérables, 1862.

→ Répondez aux questions suivantes en faisant des citations si possible :

A) Fantine, la mère de Cosette.

1) Pourquoi a-t-elle laissé son enfant aux Thénardier ?

2) Où vit-elle après ?

3) Qu’a-t-elle laissé aux Thénardier quand elle leur a confié son enfant ?

4) A votre avis, pourquoi finit-elle par mal payer la pension de Cosette ?

5) Selon le narrateur, que se passerait-il si elle revenait chercher son enfant ?

B) Les Thénardier

1) Quel est leur métier ?

2) Dans quel but ont-ils accepté de prendre Cosette chez eux ?

3) Comment se comportent-ils envers leurs propres enfants à ce moment-là ?

4) Que font-ils de Cosette ?

5) Quelle sorte d’êtres sont ces Thénardier ? Choisis les noms et adjectifs qui pourraient les qualifier selon toi.

C) Cosette

1) A quel âge a-t-elle été mise en pension chez les Thénardier ?

2) Fais son portrait physique, moral et vestimentaire à partir des éléments que tu trouveras dans le texte. (Tu peux faire un tableau pour t’aider si tu le veux. Je te rappelle que tu dois relever des expressions et non des phrases entières.)

3) Quel est le surnom de Cosette ? Explique la dernière phrase du texte qui est le commentaire du narrateur.

Conclusion (à faire)

→ Répondez aux questions suivantes en constituant une conclusion sous forme de paragraphes (chaque paragraphe répond à une question).[/color]

1) Les portraits de Cosette et des Thénardier sont-ils subjectifs ou objectifs ?

2) Le narrateur prend-il parti pour l’un ou l’autre des personnages ? Prouvez-le.

3) A quoi servent les portraits dans un roman ?

Correction (cliquez ici):

Correction

A) Fantine, la mère de Cosette

1) Fantine ne peut pas trouver de travail avec une enfant en bas âge. Elle se fait passer pour veuve car être fille-mère au XIXème siècle est fort mal vu (nous en avons déjà parlé en étudiant la nouvelle Le papa de Simon de Maupassant). Mais même en prétendant être veuve, elle a du mal à se faire embaucher avec une enfant à charge.

2) Elle trouve du travail à Montreuil-sur-mer. Vous verrez en lisant la suite du roman que le choix de cette ville n’est pas un hasard.

3) Elle leur a laissé le trousseau de Cosette, c’est-à-dire son sac de vêtements et de l’argent puisqu’elle va leur payer une pension.

4) Fantine finit par mal payer la pension car elle a de graves problèmes de santé qui l’empêchent de travailler, en plus d’autres problèmes que tu découvriras par la suite.

5) Selon le narrateur, Fantine ne reconnaîtrait pas sa fille. Elle a laissé aux Thénardier une enfant de trois ans jolie, en bonne santé et heureuse de vivre. Sous les coups des aubergistes, Cosette n’est plus que souffrance.

B) Les Thénardier

1) Ils sont aubergistes.

2) Ils avaient un « protêt » à payer, c’est-à-dire une somme d’argent à verser sinon leur auberge était saisie. Ils ont senti que Fantine serait facile à exploiter financièrement.

3) La mère Thénardier adore ses filles, Eponine et Anasthasie. Elles ne sont jamais battues car Cosette est le souffre-douleur des Thénardier. Ils auront par la suite trois garçons, Gavroche dont nous parlerons plus tard qui grandira dans la rue, et deux autres que les Thénardier loueront pour s’enrichir.

4) Ils battent Cosette, l’exploitent, elle devient leur bonne à tout faire avant l’âge de cinq ans.

5) Les Thénardier sont des êtres abjects, vils et sournois (sens de ces adj. à chercher dans le dictionnaire si tu ne les connais pas). Sous des dehors affables, ce sont des exploiteurs et des tortionnaires.

C) Cosette

1) Cosette été mise en pension chez les Thénardier à l'âge de trois ans.

2) Portrait de Cosette

Portrait physique	Portrait moral	Portrait vestimentaire
maigre ; blême laide beaux yeux petites mains rouges	Je ne sais quelle allure inquiète hargneuse grande tristesse larme à l’œil	vieilles jupes, vieilles chemises des filles Th. ; des haillons vieilles loques de toile trouées

2) Les villageois ont surnommé Cosette « l’Alouette » car elle est chétive comme l’oiseau. Le narrateur commente le surnom « Seulement la pauvre Alouette ne chantait jamais » : l’alouette est un petit oiseau connu pour son chant mélodieux et comprenant de nombreuses notes. Cosette est chétive comme un oiseau mais elle, elle se terre, essayant de se faire oublier. Son malheur ne la fait pas chanter.

Conclusion

Les portraits de Cosette et des Thénardier sont subjectifs (portent un jugement) car le narrateur donne son avis sur eux. Les Thénardier sont des créatures « monstrueuses », comparés à « un chat qui se réjouit même d’une souris trop maigre ». Sa description de Cosette, « souris chétive », qu’il présente comme « le souffre-douleur des filles », mangeant sous la table dans une écuelle semblable à celles du chat et du chien, fait frémir le lecteur qui va prendre parti pour cette pauvre enfant.

Mais peut-on dire que le narrateur prend vraiment parti pour Cosette ? On a plus l’impression que, comme les villageois, il la plaint et constate la grande misère et la grande souffrance dans lesquelles elle vit en précisant que « c’est une chose navrante ». Ce n’est pas que les gens soient insensibles à l’époque, mais beaucoup vivent misérablement et considèrent que le destin de chacun est comme inéluctable (sans issue). Beaucoup essaient de s’en sortir, mais pas forcément en faisant le bien.

Les portraits sont très descriptifs car les lecteurs doivent se représenter les personnages. Ils servent aussi à l’intrigue : Cosette sera-t-elle sauvée des Thénardier ? Les Thénardier resteront-ils aubergistes ou deviendront-ils pire qu’ils ne sont déjà ?

Hugo écrit un roman social dénonçant la misère dans laquelle vit le peuple. Les portraits permettent de se représenter cette misère.